100 ans de libre circulation

Interdiction de circuler dans les Grison

Circulation interdite ! Tel était le mot d'ordre dans tout le canton des Grisons entre 1900 et 1925. Jusqu'à ce qu'une loi fédérale passe outre la volonté populaire cantonale.

Publié le 16.06.2025

Cela ressemble à une ironie de l'histoire. Mais les Grisons étaient sérieux : ils voulaient devenir le premier canton sans voitures de Suisse et ont interdit la circulation automobile dans tout le canton en 1900. Ce que nous connaissons aujourd'hui dans des villages de montagne excentriques comme Zermatt ou Braunwald, les Grisons l'ont imposé avec succès jusqu'en 1925 à l'issue de plusieurs référendums populaires. Plus les habitants des régions de plaine s'en énervaient, plus les Grisons s'y opposaient avec détermination.

Pas de lobby pour la voiture

Comme les chemins de fer rhétiques desservaient toutes les artères vitales du canton, les Grisons ne voyaient pas la nécessité d'étendre le réseau routier. Les destinations touristiques alors en plein essor, Arosa, Davos et Saint-Moritz, étaient déjà reliées au réseau ferroviaire, ce qui limitait la pression exercée par ce secteur économique. Les touristes arrivaient en train et étaient ensuite conduits à leur hôtel en calèche. Les cochers avaient donc tout intérêt à ce qu'ils ne soient pas remplacés par des voitures autonomes et motorisées. Dans les destinations touristiques, on craignait également une augmentation des nuisances sonores et de la pollution atmosphérique due à la poussière soulevée. Cela a donné du grain à moudre aux associations environnementales et aux amoureux de la nature, qui se sont également opposés à ce projet.

Routes en mauvais état

L'état des routes était très mauvais. Utilisées uniquement par des charrettes tirées par des chevaux ou des bœufs, elles étaient cahoteuses, caillouteuses et étroites, totalement inadaptées à la circulation automobile. Même s'il n'y avait pas eu d'interdiction, la plupart des routes auraient de toute façon été impraticables pour les véhicules. C'est ce qu'a également constaté Gaudenz Issler, membre du Grand Conseil de Davos, qui fut le premier Grison à acheter une voiture en 1897. Il s'en est rapidement débarrassé, arguant que les routes de Davos n'étaient pas adaptées à la circulation automobile.

25 ans d'interdiction des voitures

Sous la pression de la population, le gouvernement grison a promulgué en 1900 une loi interdisant formellement la circulation des automobiles sur les routes du canton. Cette décision avait été précédée d'un référendum qui l'avait légitimée démocratiquement. Les Grisons étaient ainsi le seul canton de Suisse où la circulation automobile était totalement interdite. Même dans les années qui suivirent, l'interdiction fut confirmée à plusieurs reprises par référendum, la dernière fois en 1925.

Mais le progrès ne s'est pas arrêté à l'interdiction des voitures et la pression a augmenté en dehors des frontières cantonales. D'autant plus que la compétence en matière de législation nationale sur les automobiles a été transférée à la Confédération en 1921. Le canton des Grisons a toutefois réagi comme le célèbre village gaulois dans les romans d'Astérix. Cochers, agriculteurs, touristes, associations environnementales, amoureux de la nature, mais aussi médecins et politiciens se sont battus bec et ongles contre la levée de l'interdiction, réclamée de plus en plus clairement par le reste de la Confédération. Le conflit a également été mené avec émotion dans la presse. Les lettres de lecteurs, les réseaux sociaux de l'époque, mettaient en garde contre le « terrorisme routier », le bruit et la destruction du paysage. Certaines communes ont organisé des actions de protestation contre l'ingérence de l'extérieur dans les affaires cantonales.

Levée de l'interdiction et conséquences

L'interdiction a certes été confirmée une nouvelle fois par le peuple grison en 1925, mais la volonté populaire n'a cette fois-ci été que de courte durée. Le 21 juin 1925, la Confédération a levé l'interdiction cantonale de circuler en voiture. Au niveau national, le fédéralisme a constitué un obstacle et le droit fédéral a prévalu sur le droit cantonal.

Très bien, mais les routes restaient impraticables pour tout type de véhicule. Quelques fous (les Britanniques en tête) ne se sont toutefois pas laissés décourager et ont considéré la levée de l'interdiction comme une invitation personnelle à conquérir les montagnes en voiture. Quatre ans après la levée de l'interdiction, la première « course de côte du Bernina » a eu lieu en 1929, dans le cadre de la première « Semaine internationale de l'automobile à Saint-Moritz ». Bien sûr, à l'initiative de quelques Britanniques fous, vous l'avez deviné.

Retards dans la construction des routes

Malgré la joie des passionnés d'automobile, les Grisons ne se sont pas laissés faire. La construction de nouvelles routes, décrétée au niveau national, a pris un temps inutilement long. Dans certaines communes, les routes n'ont délibérément pas été aménagées ou entretenues afin d'empêcher les voitures de circuler. Selon certains témoignages, des villageois auraient contraint des automobilistes à faire demi-tour ou auraient bloqué la route à l'aide d'obstacles. Des rumeurs ont même couru selon lesquelles des véhicules auraient été endommagés à l'aide de clous ou d'objets pointus. Il n'existe toutefois aucune preuve concrète à ce sujet.

De nombreuses routes de montagne sont donc restées fermées à la circulation motorisée pendant des décennies ou ont été soumises à des restrictions strictes. Ce n'est qu'avec le développement des infrastructures dans les années 1930 et 1940 que l'automobile s'est pleinement intégrée dans les Grisons. Le col du Julier a ainsi été la première route alpine suisse à être asphaltée.

Si vous vous retrouvez aujourd'hui dans un embouteillage sur les routes grisonnes, soyez reconnaissant de pouvoir circuler ici.

Texte : Jürg Zentner

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