Question difficile :

"Quelle voiture de collection acheter ?"

Nous, rédacteurs de l'auto-illustrierte, sommes également considérés comme des experts en voitures anciennes et on nous demande donc souvent : "Quelle voiture ancienne dois-je acheter ?" La réponse est toutefois extrêmement difficile et satisfait rarement. C'est pourquoi la réponse est une contre-question : "Quel type de voiture ancienne es-tu ?" C'est du moins une tentative de se rapprocher un peu plus d'une réponse ...

Publié le 19.02.2022

Quel type de voiture ancienne es-tu ?

 

Le rêveur 

C’est la voiture qui a bercé nos rêves d‘enfants. Son odeur, le bruit de son moteur, peut-être son emblème rutilant : bien des détails se sont gravés profondément et irrémédiablement dans notre subconscient et nous préoccupent depuis des décennies. Aujourd’hui, le moment est enfin venu et nous pouvons nous racheter les souvenirs de notre enfance. Sa voiture, Lukas Kistler ne l‘a pas achetée, son père la lui a transmise en droite ligne, l’auto de son enfance, une Buick Special de 1964. Il ne s’est pas contenté de grandir avec cette auto, elle l’a accompagné tout le long de sa vie. Et une fin n’est pas en vue.

 

Le gardien du Graal

La mère de toutes les autos, la pierre milliaire, l’ancêtre, le modèle ultime, le Saint Graal – beaucoup de gammes ont le leur. Soit parce qu’il s’agit du premier numéro de châssis ou d’un spécimen unique, d‘une voiture à l’historique particulier et/ou de célèbres propriétaires antérieurs. Souvent, la convoitise de leur propriétaire ne réside pas seulement dans l’« avoir ». La plupart du temps, il y a souvent une forte conscience de la responsabilité qui incombe au propriétaire d‘une telle auto. Un bon exemple en est la SS Cars S.S. 90 de Philipp Husistein. C’est la première voiture de sport vendue par la société qui, peu de temps après, devint célèbre sous le nom Jaguar. Et Husistein n‘a pas seulement un goût exquis pour les automobiles hors norme, l’architecte est aussi un spécialiste avéré des monuments historiques – une combinaison idéale.

 

Le sauveur

Il y a des autos que, neuves, personne n‘a jamais aimées. Et pourtant, bien des amoureux d‘oldtimers et de youngtimers s’émeuvent par exemple pour une Mazda 929, une Alfa Arna ou une Lancia Lybra, qu’ils font revivre avec une place bien au chaud dans leur garage. Comme Marcel Maier, qui n’échangerait pour rien au monde sa Peugeot 309 contre une autre voiture. Il la conduit depuis neuf ans déjà et doit souvent se justifier : pourquoi ne s’offre-t-il pas un « bel » oldtimer ou youngtimer ? Par exemple une 205 GTI. Or ce sont justement des « sauveteurs » comme Marcel qui garantissent la survie de ces espèces en voie d‘extinction.

 

L‘évadé

« Papa, j’peux t‘emprunter ta voiture ? » C’est tout de même moche d’aller chercher sa toute nouvelle égérie en vélomoteur ou en moto. Mais, une fois de plus, papa fait la sourde oreille. Une première voiture bien à soi ne s’est que trop fait attendre, ne serait-ce qu’une 2 CV décatie ou une Coccinelle de huitième main. En quelque sorte le « moyen d’évasion » pour sortir le week-end, pour les premières vacances en Grèce avec la tente sur le toit et bien d’autres aventures automobiles encore. Seule la première voiture permet de s’envoler du nid. Quelle joie de faire revivre ce bon vieux temps en s‘achetant un modèle identique bien des décennies plus tard.

 

Le coureur

Une voiture de course historique est souvent célèbre ; conduite par des pilotes légendaires, elle aura remporté des médailles d‘or et engrangé des coupes rutilantes. Si devenir pilote de course professionnel est resté un rêve et que l‘on a réussi à accumuler un « petit » pécule, il suffit de s‘acheter une combinaison historique pour aller jouer les Fangio et autres Siffert. Lors des revivals et memorials, la gloire et le prestige des vrais géants de la compétition déteignent sur le pilote même si celui-ci n’arrive pas – et de loin – à la cheville des héros de jadis.

 

L‘archéologue

L‘archéologie des voitures non tractées par des chevaux, quasi la préhistoire de l‘automobile, est une discipline approximativement aussi courante que les études des momies égyptiennes – et est aussi largement répandue dans le monde des oldtimers. Helmut Kühnis vous le confirmera. À condition qu’il ne gèle ou ne neige pas, il conduit au quotidien – attention, ce n’est pas un hobby ! – une Ford T de 1919 et a la réputation de spécialiste de ces voitures, les premières calèches à essence et descendantes directes des hippomobiles carburant à l’avoine. Ces pionnières n’incarnent pas seulement la phase décisive dans la voie de la locomotion mécanique, elles documentent aussi les errements et les hésitations qui ont mené à nos voitures d’aujourd’hui.

 

L‘investisseur

« Tiens, je viens de m‘acheter une Ferrari. » « Quel modèle ?» « Aucune idée, elle est rouge et m’a coûté un million. » Pour les hyperriches, les oldtimers au prix astronomique sont une aussi bonne possibilité d’accumuler encore plus d’argent que les tableaux, les actions et les biens immobiliers. L’objet lui-même ne les intéresse pas, au contraire de la plus-value. Mais il y a aussi des conducteurs d’oldtimers qui se font mousser avec leur voiture dans les milieux spécialisés au motif que le club correspondant et les sorties du week-end seraient éventuellement un excellent moyen de nouer de nouveaux contacts professionnels – comme au golf ou parce qu’il est tout simplement de bon ton de posséder une voiture aussi rare qu’onéreuse.

 

Le frénétique

Certains collectionneurs ne peuvent tout bonnement rien jeter et, en plus d‘innombrables voitures du même type ou de la même marque la plupart du temps à l‘état d’épave, possèdent une demi-douzaine de pare-chocs avant, cinq couvercles de malle, trois vitres latérales gauches et 31 enjoliveurs de chacune des cinq versions d’un même modèle, le tout empilé chez eux, ce à quoi s’ajoutent une myriade de prospectus, livres et miniatures tous dédiés à un seul et unique thème. La plupart du temps, la famille est malheureuse, à moins qu’elle ait déjà pris le large au motif que chaque franc est investi dans le hobby et qu’il ne reste plus d’argent pour les vacances ou des vêtements neufs. Logique qu‘un malotru aussi tragique refuse d‘affronter la caméra. Chacun de nous a assurément un tel amasseur parmi ses connaissances proches ou lointaines.

 

L’homme à la voiture de sa vie

Il est la bête noire d’une industrie automobile éphémère et avide de profits rapides : « l’homme à la voiture de sa vie », qui possède encore la première voiture qu’il a achetée. Peut-être dort-elle dans une grange ou une cave en attendant d’être redécouverte par un restaurateur patient et ayant les moyens, éventuellement le petit-fils. Nous en connaissons de ces personnes âgées qui utilisent leur voiture pendant une période interminable, la font régulièrement réparer, restaurer et repeindre de temps à autre. Ou s‘achètent encore exactement le même modèle pour éviter que le premier s‘use trop vite. Ce sont parfois aussi des gens qui sont tellement convaincus d‘un type déterminé qu‘ils en achètent plusieurs exemplaires, qu’ils ne remplaceraient jamais par un modèle différent.

 

Le recycleur

Quand une voiture est définitivement au bout du rouleau, elle atterrit normalement dans un cimetière ou une casse. Mais il y a des alternatives. Souvent, un oldtimer sert de terrain de jeux pour les enfants ou de biotope pour la volaille ou les lapins. Un cabriolet est idéal comme piscine ou plate-bande dans le jardin. Si vous en avez envie, vous pouvez transformer votre ex-compagnon de route en cabane, coin de bricolage ou sauna. Démontez au préalable le moteur et vous n’aurez même pas besoin de permis de construire. En effet, le truc a des roues et n’est donc pas un bâtiment, mais une auto. Continuer à utiliser au lieu de jeter quelque chose est de l’écologie vécue ou, en néo-franglais, du « upcycling ».

 

Le génie

Il y a toujours eu des constructeurs automobiles qui n‘ont pas suivi la même voie que tous les autres. Parfois largement en avance sur leur temps, ils ont inventé des voitures anticipant l’avenir : Citroën, Panhard, Saab, Lotus ou DeLorean. Mais, souvent aussi, leurs constructions étaient des culs-de-sac techniques qui répondaient à des questions que personne n‘avait posées. Ainsi du génie méconnu Preston Tucker. De même, celui qui conduit aujourd’hui une DS Citroën rend hommage à une construction à la cheville de laquelle aucune autre auto, ni avant ni après, n’est arrivée. Or le génie déteint naturellement sur le propriétaire. Par le choix de son véhicule, il proclame son statut d’anticonformiste et d’idéaliste qui nage à contre-courant.

 

 

Les liens familiaux

Soit on appartient à une dynastie de concessionnaires automobiles soit on a, pour une raison quelconque, trouvé son bonheur dans une marque déterminée. Dans ce cas-là, toute la famille est contaminée par le virus. Un bon exemple en est la famille Huwyler, grande amatrice d’Opel. Stefan Huwyler et ses frères possèdent notamment une rare Manta T.E. 2800, la fille Sabina, la Manta B vert pomme. La pointe émergée de l’iceberg, une flotte d’une trentaine d’Opel de toutes les époques et couleurs. Aucune autre marque n’a sa place chez les Huwyler. Nous nous réjouissons en espérant que ces voitures seront transmises aux générations futures.

 

Le bouilleur

Sa place est sous l‘auto, pas au volant. Détecte-t-il un objet digne d’être restauré, il l’achète, le remet en état puis le laisse de côté dès qu’il est prêt à rouler. Il ne l’amuse plus, voilà tout. Justement parce qu’il est terminé, ne risque pas de tomber en panne et n’est donc pas un défi pour lui. Qu’un amateur d‘oldtimers l‘achète et cela lui rapportera des devises pour un nouveau projet. De tels « bouilleurs » ont une importance capitale pour notre milieu, car ils remettent en route même les cas les plus désespérés et favorisent ainsi la diversité des espèces – et parce qu’ils n’ont pas peur de mettre les mains dans le cambouis.

 

Le toujours-pas-propriétaire-d‘oldtimer

Les amateurs de classiques le craignent comme le diable, l‘eau bénite : le frimeur qui raconte à qui veut l‘entendre ce qu‘il a jadis conduit et aimerait bien posséder à nouveau. Ne lui dites pas qu’un ami a justement une voiture idéale pour lui, il détalerait sur-le-champ. Un vœu pas si pressant, donc – et lui de trouver la prochaine « victime » à laquelle il racontera la même histoire de nostalgie inassouvie. Il y a mille raisons pour ne pas acheter un oldtimer : le manque de place, un budget insuffisant, la crainte des réparations, le manque de temps, les études des enfants, le veto de l’épouse... Eh bien, laisse-nous donc en paix et continue de recourir au leasing, tandis que nous nous réjouissons avec nos vieilles bagnoles rouillées et imparfaites.

 

L‘admirateur

La question de savoir pourquoi quelqu'un en est venu à choisir une marque ou un type particulier est souvent liée à une expérience marquante de l'enfance. Il peut s'agir de l'oncle riche et de sa grosse Mercedes, de l'ami de la grande sœur et de sa Porsche ou d'une autre rencontre automobile qui nous a tellement impressionnés que nous nous sommes jurés dès l'enfance : « Quand je serai grand, j’en aurai aussi une comme ça. »

Voilà, nous avons soulevé plus de questions que nous n'avons apporté de réponses et il se peut que vous soyez encore plus perplexe qu'avant. Mais peut-être que ces 15 exemples vous aideront à prendre une décision. Le temps presse, car c'est bientôt le printemps et donc la saison des voitures anciennes. 

 

Texte : Stefan Fritschi & Martin Sigrist
Les photos : Archives auto-illustré (14), gardeon.at (1)

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