Problématique des matières premières

Le vert devient soudain gris

Quand les voitures électriques écrasent les droits de l’homme: Amnesty International cloue au pilori les fabricants de véhicules électriques. Presque aucun d’entre eux n’examine suffisamment ses chaînes d’approvisionnement, ce qui est particulièrement problématique en ce qui concerne la batterie.

Publié le 23.03.2025

La mobilité électrique est bonne et les véhicules à moteur à combustion sont très mauvais. La politique et l’industrie nous peignent cette image d’un avenir propre et sans émissions. Tout le monde s’accorde à dire que la panacée dans la lutte contre le changement climatique, ce sont les voitures branchées. Mais un rapport d’Amnesty International montre que cette vision de la durabilité se concrétise souvent au détriment des personnes et de l’environnement. En effet, la situation des droits humains dans les chaînes d’approvisionnement des principaux constructeurs de voitures électriques jette parfois une ombre sur l’image verte de la branche. Dans le rapport «Recharge for Rights: Ranking the Human Rights Due Diligence Reporting of Leading Electric Vehicle Makers» de cette organisation à but non lucratif, 13 fabricants de véhicules électriques sont évalués afin de montrer l’efficacité de leurs directives et pratiques en matière de diligence raisonnable dans le domaine des droits humains. Disons qu’il y a encore de la marge pour être plus «vert».

Peu de lumière dans l’obscurité

Pour son évaluation des fabricants de véhicules électriques, Amnesty International s’est basée sur les politiques et pratiques des entreprises ainsi que sur les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Les résultats ont été regroupés sur une échelle de points allant de 0 à 90 afin de refléter de manière comparable les performances des constructeurs. Point positif: depuis 2017, année de la dernière enquête, les constructeurs de voitures électriques ont fait des progrès dans la mise en œuvre de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme dans leurs chaînes d’approvisionnement en métaux, par exemple grâce à des évaluations des risques et à une coopération avec des organisations de la société civile. Néanmoins, aucun des 13 fabricants n’a atteint des scores de pointe et aucun ne peut prouver qu’il a procédé à une évaluation complète de ses chaînes d’approvisionnement en matière de droits humains. Les approches des entreprises varient fortement, certaines sont nettement à la traîne.

Mercedes-Benz a obtenu le meilleur score avec 51 points, suivi de Tesla (49 points) et Stellantis (42 points). En bas du tableau, on trouve BYD avec seulement onze points, Mitsubishi (13 points) et Hyundai (21 points). Ces trois entreprises ne se sont justement pas couvertes de gloire. De nombreux fabricants n’offrent guère de transparence sur leurs chaînes d’approvisionnement, mais BYD, Hyundai et Mitsubishi ne donnent même pas d’in-
formations détaillées sur les sources de matières premières ou les sites miniers. BYD, qui est entre-temps devenu le plus grand fabricant de véhicules électriques au monde, n’a cité ni l’un ni l’autre et n’a pas réagi – comme les deux autres entreprises – aux résultats d’Amnesty International, respectivement à sa demande de prise de position. Tous les fabricants évalués ont été contactés avant la publication du rapport afin de leur donner la possibilité de le faire.

Diverses zones problématiques

Selon Amnesty International, l’extraction de minerais de batteries tels que le cobalt, le cuivre et le nickel est étroitement liée à de graves violations des droits humains. Il s’agit notamment de dommages environnementaux, d’expulsions forcées illégales, de conditions de travail dangereuses et du non-respect des droits des communautés indigènes. Amnesty International documente ces abus depuis plus d’une décennie, notamment au Congo et aux Philippines. Malgré les problèmes connus, de nombreux constructeurs automobiles ne soumettent toujours pas leurs chaînes d’approvisionnement en batteries à un contrôle suffisant. La transparence et la surveillance restent insuffisantes et de nombreuses entreprises donnent la priorité à leurs intérêts économiques plutôt qu’à la protection des droits humains.

En 2019 déjà, Amnesty avait demandé au secteur de rendre sa production de batteries conforme aux droits humains d’ici 2024. Mais les progrès restent limités. «Les violations des droits humains liées à l’extraction de matières premières pour la transition énergétique sont alarmantes et généralisées», explique Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International. Callamard dénonce: «Les engagements volontaires de nombreux fabricants sont vagues et n’offrent guère de preuves de mesures utiles. Il reste encore un long chemin à parcourir pour que l’industrie se conforme aux normes internationales». Amnesty International demande instamment à l’industrie automobile de prendre au sérieux son devoir de diligence en matière de droits humains et de mettre en œuvre les normes internationales. «Il est temps de s’assurer que les véhicules électriques ne laissent pas en héritage des violations des droits humains», souligne Callamard.

Une lueur d’espoir?

Une lueur d’espoir pourrait venir de l’introduction d’un «passeport batterie» dans l’UE, qui deviendrait obligatoire à partir de 2027 pour toutes les batteries de VE de plus de deux kWh. L’origine de la batterie doit pouvoir être retracée à l’aide de la technologie blockchain. De même, la composition de la batterie, le type et la proportion de substances à risque utilisées, la proportion de matériaux recyclables et la durabilité sociale doivent être mis en lumière. Des entreprises comme Volvo ont annoncé qu’elles introduiraient ce passeport plus tôt afin de répondre aux nouvelles exigences. Mais d’ici là, le secteur reste aussi éloigné de la transparence que de ses objectifs de ventes de VE.

Selon Amnesty International, le secteur doit non seulement travailler d’arrache-pied pour que ses chaînes d’approvisionnement respectent les droits humains, mais aussi s’assurer que les personnes concernées reçoivent effectivement de l’aide. Car au final, la mobilité électrique ne sera un progrès vert que si elle ne se repose pas sur les épaules des autres. 

 

 

Texte: GAT
Photos: CC, Adobe Photostock

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